« Un embryon sur dix environ a eu un jumeau, qui souvent disparaît durant la grossesse. Pour des milliers de personnes, l’origine méconnue d’un profond sentiment de nostalgie, de mal-être ou de culpabilité. »
A. et B. Austermann
Certains perdent leur jumeau au bout de quelques semaines voire quelques mois de grossesse et d’autres, peu de temps après la naissance. Quelque soit le moment de cette disparition précoce, le survivant reste bien souvent marqué et peut développer certains troubles qui sont rassemblés sous la dénomination du « syndrome du jumeau perdu ».
Un sujet méconnu et parfois encore tabou…
En France, en 2021, on dénombre 1,6 % de naissances multiples (source INSEE) alors que 15% des grossesses commenceraient avec un jumeau. D’après certains auteurs, ce chiffre est même largement sous-estimé car le décès d’un jumeau en début de grossesse passe bien souvent inaperçu et serait donc plus fréquent qu’on ne le pense.
En effet, le fœtus disparait parfois très tôt durant la grossesse, ce qui rend la détection de la gémellité difficile, d’autant plus que chez certaines femmes, cette fausse couche passe totalement inaperçue. D’autres femmes pourront ressentir de légères crampes ou avoir de légers saignements mais lorsque la grossesse se poursuit normalement, cet inconfort est vite oublié, d’autant que les saignements en début de grossesse peuvent avoir de nombreuses origines.
De plus, de nos jours, bien que la détection d’une perte gémellaire soit facilitée par les progrès en échographie, malgré tout, le sujet reste parfois encore tabou ; certaines futures mamans ayant connaissance de cette perte font le choix de ne pas en parler à leur enfant.
L’embryon perçoit très tôt son environnement
« Lors de l’implantation de deux embryons, l’un entend l’autre très tôt, soit avant la sixième semaine. Il entend la circulation sanguine de l’autre avant que son cœur ne commence à battre. »
A. et B. Austermann
Il semble encore difficile de comprendre comment, à un stade si précoce de développement, un embryon peut déjà mémoriser la présence de cet autre et être autant impacté par sa disparition. La communauté scientifique reste d’ailleurs divisée à ce sujet et pourtant, le syndrome du jumeau perdu semble affecter des personnes ayant perdu leur jumeau très tôt au cours de la grossesse.
Dans leur livre « Le Syndrome du Jumeau Perdu », Alfred et Bettina Austermann parlent de «canaux de perception indépendants de la formation du cerveau » qui permettraient à l’embryon de percevoir très tôt son environnement. Ils citent par exemple les travaux d’Elizabeth Noble, thérapeute américaine spécialisée dans la psychologie prénatale, dont certains clients ont été capables de se souvenir d’événements dont ils ne devraient pas avoir mémoire grâce à un travail de régression.
En plus de la mémoire corporelle, il existerait donc une « mémoire extracorporelle » qui concerne les expériences qu’une personne fait sans utiliser ses cinq sens. C’est ce type de mémoire qui intervient également dans les cas d’EMI (Expérience de Mort Imminente) où la personne est capable de relater des événements qui ont eu lieu alors qu’elle était cliniquement décédée.
Comment se manifeste le syndrome du jumeau perdu ?
« Ils (ndlr : les jumeaux survivants) ont tous en commun la recherche intense et sincère de quelque chose d’insaisissable. »
A. et B. Austermann
Les jumeaux survivants ne souffrent pas tous de la même manière d’avoir perdu un jumeau mais certains symptômes se retrouvent fréquemment.
Le jumeau survivant semble mener une vie « normale », entouré de sa famille, mais intérieurement, il a souvent un grand ressenti de solitude et porte une culpabilité inconsciente, celle d’être responsable de la disparition de son jumeau. Il se sent souvent différent et a le sentiment de ne pas être totalement présent à la vie, comme s’il lui manquait quelque chose sans pouvoir dire quoi ni en comprendre véritablement l’origine.
Le jumeau survivant pourra avoir des difficultés à prendre sa vie en main du fait de cette culpabilité inconsciente qu’il ressent : il n’osera pas s’épanouir, parfois ne sera pas à l’aise avec le fait de bien gagner sa vie comme s’il ne le méritait pas.
Un autre symptôme est la quête inconsciente de ce jumeau décédé dans ce qu’il entreprend : à travers les voyages, à travers ses emplois et activités mais aussi chez son partenaire, ce qui pourra très vite s’avérer dysfonctionnel puisqu’il recherche inconsciemment un lien fraternel.
Certains jumeaux pourront avoir de la difficulté à être en couple car la proximité et l’intimité avec leur compagnon réactivera cette mémoire du choc de la perte intra-utérine de ce jumeau dont il était très proche.
Un travail de deuil bien difficile à entreprendre
Les témoignages des jumeaux survivants relatent des symptômes assez similaires que la perte ait eu lieu en cours de grossesse ou peu après la naissance. Il semblerait donc que ce soit surtout la proximité tant physique que psychique connue par les jumeaux qui semble être à l’origine des troubles des jumeaux survivants.
En réalité, le jumeau survivant est face à un travail de deuil à faire. Ce dernier est d’autant plus difficile à réaliser que la plupart des survivants n’ont pas connaissance de la perte de leur jumeau pour les raisons évoquées en début d’article. C’est pourquoi malgré un travail sur eux, le sentiment de vide et d’incomplétude aura du mal à disparaitre tant que cette prise de conscience concernant l’existence d’un jumeau n’aura pas eu lieu.
Premiers pas vers la guérison
Pour avancer vers la guérison, le jumeau survivant aura besoin, par conséquent, de reconnaitre l’existence de ce jumeau et il pourra être important pour lui de se reconnecter à cette période de vie commune pour ressentir tout l’amour qui les unissait.
Les difficultés que le jumeau survivant vit sont en lien avec les mémoires de l’embryon ou du fœtus qui a perdu son frère ou sa sœur et que le survivant cherche inconsciemment à retrouver. Il devra comprendre qu’il n’est en aucun cas responsable de la disparition de son jumeau et que là où celui-ci se trouve actuellement, il est en paix. Ceci lui permettra de s’autoriser plus facilement à oser vivre enfin sa vie plutôt que de se contenter de la survivre dans cette recherche inconsciente et permanente de son double à travers tout ce qu’il entreprend. De nombreux changements pourront alors intervenir dans sa vie.
Les thérapies psychocorporelles, les constellations familiales, l’hypnose pourront aider le jumeau survivant dans ce travail psychologique de deuil et d’acceptation.
Sources :
L’empreinte prénatale : et si vous aviez perdu un jumeau ? (alternativesante.fr)
Alfred et Bettina Austermann – Le Syndrome du Jumeau Perdu